À propos du film d'Anne-Laure Brénéol
En plein Caubère.


Que c'est difficile pour un Caubère de parler d'un film qui s'appelle quelque chose comme " En plein moi-même… " ! Déjà qu'on me reproche narcissisme, mégalo, prétention et je ne sais pas quoi ! Non, la première fois que je l'ai vu, sur une cassette VHS, encore en chantier, je dois avouer : j'ai pas bien supporté. C'était trop proche, trop intime, trop… Je sais pas. Trop, quoi ! Juste j'observais à quel point j'avais perdu les avantages acquis par le régime draconien que je m'étais à ce moment-là imposé, et que ma compagne de galères, Véronique, m'avait, à ma demande, infligé. Redevenu si gros, je regardais, effaré, ce " Caubère " d'à peine deux ans avant tout efflanqué… Bon, je ne vais pas non plus faire tout un plat avec ça… Je l'ai revu, le film, une fois terminé, en public en plus. Encore plus gros que la première fois, je m'étais caché au fond de la salle, dans le noir, et là… Je sais pas… Ça m'a touché. Je ne me suis vu pas seulement amaigri ou pas, beau ou pas, comme toujours les acteurs quand ils se regardent au cinéma, mais en train de travailler, de rigoler, de gueuler, d'engueuler, de fabriquer quelque chose. Et les gens dans la salle autour de moi, c'est curieux, riaient. J'avais peur qu'on le trouve odieux, ce type qui ne cesse de râler, de protester, de faire chier son entourage, et puis non, visiblement, on le trouvait plutôt marrant. Et rigolos ces autres autour de lui, qui semblaient le supporter sans plus souffrir que ça. Même cette pauvre fille qui l'accompagnait, acceptant ses états d'âme, ses changements d'humeur, ses exigences, ça les faisait rire… Comme s'ils comprenaient. De quelle nature était le travail de ce petit groupe bizarre et rigolard, jamais content de rien. D'ailleurs, on n’avait pas l'impression de voir une troupe de théâtre mais plutôt des paysans, ou encore des gens en train de construire une route ou un pont. Des enfants, mais sérieux et finalement assez savants. Je sais comme il est parfois difficile pour ceux que je caricature dans mes pièces de se voir malmenés comme je le fais, même s'ils savent que c'est parce que je les aime. Il est aussi difficile, je crois, de se voir comme ça, saisi, surpris, épié, alors qu'on est en train de jouer sa vie, aussi bien sur la scène qu'à côté, d'avoir peur, de prévoir le pire, de trembler. Ça rend pas aimable. Ce n’est pas ce qu'on a de plus sympathique qui sort de soi dans ces moments-là. Et encore, la caméra d'Anne-Laure est restée pudique, je le sais. Et que certaines colères un peu trop spectaculaires ont été zappées… Je ne peux pas parler de ce film comme d'un film, je veux dire : les images, le son, le montage. Je ne peux que parler de ce sentiment d'horreur, d'abord, de se voir ainsi "dénoncé" et puis, après, au contraire, de celui, — oh non, pas d'amour, ni d'auto admiration… On aimerait tellement être autrement qu'on est ! —, mais plutôt de compréhension. Sinon de compassion. Oui, voilà : d'auto- compassion. Ben oui, c'est moi. Je suis comme ça. Que ça me plaise ou pas. Et je le sais, puisque je vois bien sur l'écran que les autres autour de moi le sont, comme ça. Véronique, qui fait tellement rire les gens quand elle dit à quoi elle sert dans l'aventure (et encore, elle dit pas tout…), Elle est… Exactement comme ça ! Même si, elle aussi, ça l'horrifie de se découvrir ainsi. Et moi, je le lui dis : « Mais non, c'est pas affreux ! C'est merveilleux : c'est toi. » Et je trouve ça touchant qu'on ait su si bien la " rendre " et nous montrer tous les deux, comme nous sommes dans la fièvre et la ferveur du travail. Il y fallait du talent, certes, mais aussi de l'amitié. Et finalement, ce film, il nous aide à nous accepter. C'est peut-être le plus grand compliment que je puisse lui faire. Nous aidera-t’il… M'aidera-t’il plutôt ! (Ah, ce « nous »… !) À me corriger ? Ce serait, alors, là, évidemment, le plus grand des plus grands… ! Mais, bon, franchement, chers Lionel et Anne-Laure, celui-là, je ne peux pas vous le faire car je crains bien que, hélas… Mais, quoi : on peut toujours rêver ! En tout cas, comme disait l'autre… Au nom de tous les miens : merci !

Philippe Caubère.